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RÉSURRECTION

bords de sa jupe. Quand elle vit Nekhludov, elle rougit ; puis aussitôt elle mit à terre son paquet, s’essuya les mains en les frottant à sa jupe, et s’avança vers Nekhludov d’un air très animé.

— Vous faites le ménage ? — lui dit Nekhludov en lui serrant la main.

— Oui, j’ai repris mon ancien métier, — répondit-elle avec un sourire. — Et ce qu’il y a de saleté, ici, vous ne pouvez pas vous en faire l’idée ! Voilà plus d’une heure que nous balayons !

Elle se tourna vers Simonson.

— Eh bien, et le plaid, est-il sec ?

— Presque sec ! — répondit Simonson, en jetant sur la Maslova un regard qui frappa Nekhludov.

— Je viendrai le chercher dans un instant, et je vous apporterai encore d’autres choses à sécher, — lui dit la Maslova. Puis, s’adressant à Nekhludov :

— Tout le monde est réuni là ! — dit-elle, en lui désignant la première chambre.

Nekhludov ouvrit la porte de cette chambre et entra.


C’était une petite pièce oblongue, éclairée par une lampe de métal. Il y faisait plutôt froid, au contraire des autres salles ; mais on y respirait une insupportable odeur de poussière, de tabac et d’humidité. La lampe éclairait vivement le milieu de la pièce, laissant dans l’ombre les couchettes disposées le long des murs ; et c’est à peine si l’on distinguait les figures des condamnés assis sur ces couchettes.

Dans cette chambre se trouvaient réunis tous les condamnés politiques du convoi, à l’exception de Simonson et de deux autres hommes, qui avaient la charge de l’approvisionnement, et qui étaient allés chercher le souper.

Il y avait là Véra Efremovna Bogodouchovska, encore plus maigre et plus jaune qu’elle n’était dans la prison, avec ses énormes yeux effrayés et sa veine gonflée sur le front. Vêtue d’une veste grise, elle était assise devant un journal déplié, et s’occupait à entonner du tabac dans des tubes de papier à cigarettes.