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CHAPITRE XX


Le lendemain matin, vers neuf heures, quand Nekhludov se réveilla, la corpulente hôtesse lui remit une enveloppe qu’avait apportée pour lui, depuis deux heures déjà, un des soldats attachés à l’étape. C’était un billet écrit par Marie Pavlovna.

La jeune fille annonçait à Nekhludov que l’accident arrivé la veille à Kriltzov était beaucoup plus sérieux qu’on ne l’avait cru. « Nous avons eu l’idée de le faire rester ici un jour ou deux et d’y rester avec lui ; mais on ne nous l’a point permis ; de telle sorte que nous l’emmenons avec nous ; mais nous avons bien peur. Ne pourriez-vous pas obtenir que, si son état le force à rester à S… (c’était l’étape suivante du convoi), un de nous soit autorisé à rester près de lui ? Si, par hasard, cette autorisation était de nouveau refusée, et si vous jugiez que, en devenant la femme de Kriltzov, je pourrais avoir la permission de rester près de lui, je n’ai pas besoin de vous dire que je consentirais fort bien à cette formalité. »

Nekhludov fit atteler sa voiture et se hâta de préparer sa valise. Il n’avait pas encore fini de boire son second verre de thé quand il entendit, sur le sol gelé de la route, sonore comme le pavé, retentir le bruit des roues de la troïka qui venait le chercher. Il paya sa note, monta dans la voiture, et dit au cocher d’aller aussi vite que possible, afin de rejoindre au plus tôt le convoi.