Page:Tolstoi - La Pensée de l’humanité.djvu/13

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pensée qui avait sa valeur propre, sans se préoccuper de la tendance de l’auteur, fût-il le prince Bismarck, « tout rougi du sang de ses frères allemands et français », en témoignage, nous dit M. Gorbounov-Possadov, « de ce fait que l’étincelle sacrée subsiste même chez le représentant le plus implacable du régime de violence ». Quantité de ses propres pensées, soit extraites de ses ouvrages extérieurs, soit nouvellement rédigées, s’aggloméraient à celles des autres auteurs. Le tout était disposé en lectures quotidiennes, pour tous les jours de l’année.

Pour le présent travail, outre de nombreuses additions inédites, il modifia cette disposition suivant un plan nouveau, plus rationnelle. Les pensées sur le sens de la vie, sur nos passions bonnes et mauvaises, sur la conduite à observer dans divers cas, etc., furent groupées en trente chapitres homogènes, chacun traitant une seule question fondamentale. Cette division correspond donc à un mois de lecture, au lieu de s’espacer sur l’année entière. Tout en conservant ainsi son caractère de livre de chevet, le présent ouvrage gagne en ordonnance, et cela d’autant plus que les chapitres sont disposés suivant le développement logique de la doctrine de Tolstoï.

Rappelons, enfin, que l’ermite de Yasnaïa Poliana avait mis une passion particulière à la rédaction de son dernier travail. M. Gorbounov nous conte que, non content d’avoir refait à plusieurs reprises le manuscrit, l’auteur multipliait les corrections en première, en deuxième, en troisième épreuves. En portant lui-même les épreuves corrigées à son éditeur, — celui-ci demeurait alors dans le voisinage de Yasnaïa Poliana, — Tolstoï s’excusait avec un sourire contraint, comme si on l’avait pris en