Page:Tolstoi - La Pensée de l’humanité.djvu/138

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très sensibles non seulement aux souffrances des hommes, mais à celles des bêtes, cherchent à s’enrichir davantage, c’est-à-dire à profiter de plus en plus du travail des autres et le font en toute sérénité. Cette sérénité des riches est due à l’intervention d’une nouvelle science dénommée économie politique, qui a posé des lois en vertu desquelles la répartition du travail et la jouissance de ses produits dépendent de l’offre et de la demande, du capital, de la rente, du taux des salaires, des bénéfices, etc. Il a été écrit sur ce thème, en peu de temps, un nombre incalculable de traités, de brochures ; il a été fait des cours et des conférences, et on en écrit et on conférencie encore à l’infini. Bien que la plupart des gens ignorent les détails de ces explications rassurantes de la science, ils savent quand même que cette explication existe, que les savants, des gens subtils, ne cessent de démontrer que l’ordre de choses actuel est tel qu’il doit être, et que l’on peut se laisser vivre tranquillement dans cet état de choses, sans essayer de le modifier. Ce n’est qu’ainsi qu’on peut expliquer l’aveuglement surprenant dans lequel se trouvent les hommes sensibles de notre société, qui plaignent sincèrement, les animaux, mais qui, la conscience tranquille, s’attaquent à la vie de leurs semblables.

VI. — Pour atteindre le bonheur, l’homme ne doit pas se soucier de l’accroissement de son avoir, mais de l’amour qui est en lui.

1. Gagne une richesse que personne ne pourra te prendre, qu’elle te reste même après la mort et qu’elle ne diminue