Page:Tolstoi - La Pensée de l’humanité.djvu/317

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être dans la satisfaction des exigences de sa chair ; c’est pourquoi la raison entraîne l’homme irrésistiblement vers le bonheur qui lui est propre, mais qui ne se place pas dans sa vie corporelle.

On pense et on dit généralement que le renoncement à la vie corporelle est un haut fait ; ceci n’est pas exact. Ce renoncement n’est pas un exploit, mais une condition inévitable de la vie de l’homme. Pour la bête, le bonheur dans la vie corporelle, et la prolongation de l’espèce qui en découle, est le but suprême de la vie. Mais pour l’homme, cette vie, et la prolongation de l’espèce, n’est qu’un degré de l’existence d’où s’ouvre pour lui le vrai bonheur de la vie, incompatible avec le bonheur de la vie charnelle. Pour l’homme, celle-ci n’est pas toute la vie, mais uniquement une condition de la vraie vie qui consiste en une communion de plus en plus grande avec le principe spirituel de l’univers.

II. — L’imminence de la mort amène nécessairement l’homme à la conscience de la vie spirituelle qui n’est pas assujettie à la mort.

1. Lorsqu’un enfant vient de naître, il lui semble qu’il n’y a que lui qui existe au monde. Il ne cède à rien ni à personne, ne veut rien savoir de personne et ne fait que réclamer ce qui lui est nécessaire. Il ne connaît pas même sa mère, il ne connaît que son sein. Mais des jours, des mois, des années passent, et l’enfant commence à comprendre qu’il y a d’autres hommes pareils à lui qui veulent aussi ce qu’il désire pour lui. Et plus il vit, plus il