Page:Tolstoi - La Pensée de l’humanité.djvu/388

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et il est parfaitement immoral. Il semble attirer les hommes tout exprès pour les faire souffrir. Il nous frappe depuis notre naissance ; mêle de l’amertume à chaque coupe de bonheur et enveloppe la mort de terreur. Et certes, si Dieu et l’immortalité n’existent pas, le dégoût de la vie manifesté par les hommes est compréhensible : il est provoqué par l’ordre, ou plutôt par le désordre existant, par l’affreux chaos moral, comme on devrait l’appeler.

Mais si Dieu existe au-dessus de nous et l’éternité au-devant de nous, tout change. Nous discernons le bien dans le mal, la lumière dans les ténèbres, et l’espoir chasse le désespoir. Laquelle de ces deux suppositions est la plus probable ? Peut-on admettre que des êtres moraux—les hommes—soient mis dans la nécessité de maudire avec raison l’ordre existant dans le monde, alors qu’ils ont une issue qui résout leur contradiction ? Ils doivent maudire le monde et le jour de leur naissance si Dieu et la vie future n’existent pas. Si, au contraire, l’un et l’autre existent, la vie devient un bonheur par elle-même et le monde un endroit de perfectionnement moral et d’accroissement infini de bonheur et de sainteté. D’après ERASME.

9. Pascal dit que si nous nous étions vus en rêve toujours dans la même situation et, en réalité, dans des situations différentes, nous aurions pris le rêve pour la réalité et la réalité pour le rêve… Ce n’est pas tout à fait exact. La réalité se distingue du rêve par le fait que dans la vie réelle nous avons la faculté d’agir conformément à nos exigences morales ; tandis qu’en rêve, nous savons souvent que nous