Page:Tolstoi - La Pensée de l’humanité.djvu/406

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3. Notre corps limite le principe divin, spirituel que nous appelons âme. Et ces bornes, de même que le vase donne la forme au liquide ou au gaz qui s’y trouve renfermé, donnent la forme à cet élément divin. Lorsque le vase se brise, ce qui s’y trouvait enfermé perd la forme qu’il avait et se répand. Est-ce que cela se relie aux autres substances ? Est-ce que cela prend une forme nouvelle ? Nous n’en savons rien. Mais nous savons sûrement que cela perd la forme que cela avait dans ses bornes, parce que ce qui le bornait est détruit. Nous savons cela, mais nous ne pouvons rien savoir de ce qui arrivera à ce qui était limité. Nous savons uniquement qu’après la mort, l’âme devient quelque chose d’autre que nous ne pouvons pas définir dans la vie présente.

4. Si la vie est un sommeil et la mort un réveil, le fait que je me vois séparé de ce qui existe, est un rêve dont j’espère me réveiller en mourant.

5. On éprouve de la joie en mourant quand on est fatigué d’être séparé du monde, quand on sent toute l’horreur de cette séparation et la joie, sinon de se joindre à tout, du moins de sortir de la prison qui vous sépare ici où l’on n’a que rarement l’occasion de communiquer avec les hommes au moyen d’étincelles d’amour qui volent de l’un à l’autre. On a envie de dire : « J’en ai assez de cette cage ; donnez-moi d’autres rapports avec le monde, mieux appropriés à mon âme » ; je sais que la mort me les donnera. Et, pour me consoler, on m’assure que même là je serai une personnalité isolée.