— Et de quoi est-il mort ? Sans doute on l’aura mal nourri ?
— Hé ! petit père, comment l’aurait-on bien nourri ? Bien sûr, ce n’était pas son enfant, à cette Mélanie. Le tout était de le conduire en vie jusqu’à l’asile. Et puis, tu sais, elle a rapporté des certificats ! Tout était bien en règle. Voilà une femme qui en avait, de la tête !
À cela se borna tout ce que Nekhludov put apprendre de son enfant.
VI
Quand Nekhludov, après avoir dit adieu à la vieille Matrena, sortit de chez elle, il aperçut les deux gamins, le blanc et le rose, qui l’attendaient dans la rue. D’autres enfants étaient venus se joindre à eux, et aussi quelques femmes, parmi lesquelles il reconnut la malheureuse créature qui portait sur son bras le petit garçon blême vêtu de loques rapiécées.
Le petit continuait à sourire, d’un étrange sourire de ses traits vieillots.
Nekhludov demanda qui était cette femme.
— C’est Anissia, celle dont je t’ai parlé ! — dit un des gamins. — J’ai été la chercher pour que tu la voies. Nekhludov se tourna vers Anissia.
— Comment vivez-vous ? De quoi ? — demanda-t-il.
— De quoi je vis ? De ce qu’on me donne, — répondit Anissia.
Et elle se mit à pleurer.
L’enfant vieillot continuait à sourire, en remuant ses petites jambes, maigres comme des bâtons.
Nekhludov tira son portefeuille de sa poche et donna dix roubles à la mère. Il n’avait pas fait deux pas lorsque vint l’aborder une autre femme avec un enfant au sein : puis une vieille, puis encore une autre. Toutes parlaient de leur misère et demandaient un secours. Nekhludov distribua entre elles une cinquantaine de roubles qu’il avait sur lui ; et c’est avec un profond sen-