Page:Topffer - Nouveaux voyages en zigzag Grande Chartreuse, 1854.djvu/20

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élèves comme sous-maître d’abord dans un pensionnat, en attendant qu’il ait sa maison à lui et sa joyeuse bande. Il a quelque apprentissage à faire, il le fait vite, et saisit dès les premiers jours la poésie de ce genre de voyages, poésie de fatigue, de courage, de curiosité et d’allégresse. Il aspire presque aussitôt à la communiquer et à la bien traduire, en la racontant gaiement à l’usage d’abord de ses seuls jeunes compagnons, et en croquant pour eux et pour lui, d’une plume rapide, les principaux accidents de la marche, la physionomie des lieux et des gens. Cependant peu à peu il s’enhardira, et lui qui, au fond de son cœur, peut se dire : Je suis peintre aussi ! ne pouvant l’être par les couleurs, il ouvrira la voie aux autres, il indiquera les chemins ; il dira comme un guide les sentiers escarpés qui mènent au point de vue réputé désespéré et inaccessible ; il esquissera ce que d’autres peindront, et, à chaque pas de plus que fera la peinture sincère à la conquête de ces rudes Alpes, il applaudira au triomphe.

Ses courts et brusques dessins, ses récits sont une suite de jolis tableaux flamands, relevés tout aussitôt d’une saveur alpestre, de quelque chose de fruste (pour employer un de ses mots favoris) et d’un caractère sauvage : en même temps, il n’oublie jamais le côté humain, familier, vivant, qui doit animer le paysage et qui lui ôte tout air de descriptif. Là même où il s’élève jusqu’à cette troisième et haute région où tout semble écraser l’homme, et où la vie sous toutes ses formes se retire, Töpffer trouve encore un sens correspondant au cœur en ces effrayantes sublimités. Après avoir décrit en une page d’une large et précise magnificence la physionomie générale du Cervin, par opposition à l’effet de Chamouni, il en vient à s’interroger sur les sources de son émotion :

« D’où vient donc, se demande-t-il en présence de cette effroyable