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DEUXIÈME PARTIE

Un million de malheureux, désarmés comme lui, se sauvaient, impuissants, incapables de résister à la fureur allemande…

Si du moins l’Angleterre était venue les secourir ! Mais rien, pas un soldat, pas un canon ! Le monde entier laissait torturer les faibles, massacrer les innocents. Dès lors, comment ne pas fuir les bourreaux, qui croyaient contribuer à la gloire de leur empire, en égorgeant des civils sans défense ?

Meurtriers !

Cet avilissement de l’Allemagne semblait à Philippe d’autant plus incroyable que ses illusions avaient été plus hautes.

Un mois auparavant, il osait croire encore à l’avènement d’une société meilleure, d’un monde moins égoïste, où la confiance et l’entr’aide apporteraient aux hommes un peu de ce vrai bonheur qui nous vient de l’amour et de la douceur des relations sociales…

Quel terrible réveil !

Brusquement, la guerre déchaînait le pillage, l’incendie, l’assassinat collectif et, sous le couvert du patriotisme, une révoltante morale de pourceaux enragés !

Mensonge !… Tout n’était que mensonge !

Soixante-dix millions d’orgueilleux esclaves se faisaient gloire de massacrer un petit peuple inoffensif, qui payait de la ruine et de la mort sa touchante illusion de l’honneur.

Et le monde laissait faire !…