Page:Torcy (Blieck) - L'exode, 1919.djvu/133

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
132
L’EXODE

soulever l’enthousiasme pour la guerre, à l’heure où le gouvernement a besoin du soutien de toute la nation.

Et, tournant la page :

— Voici le plus grave : la somnolence des Anglais. Voyez les titres des colonnes… « Une nation mal éveillée »… « Notre réel danger ». Hein ! Que diraient les stratèges de la plage, si on leur montrait cela ?

— Diable ! fit M. Forestier, nous qui attendons l’arrivée d’un million d’Anglais !… Pourvu que ces dormeurs s’éveillent à temps !

— Ils ouvrent un œil, dit Philippe, lord Kitchener demande cent mille hommes…

Tous deux se regardèrent, à l’écroulement d’une espérance vers laquelle toute la Belgique se tournait encore.

— S’il en est ainsi, murmura M. Forestier, nous sommes perdus… C’est tellement incroyable, ce que vous me dites-là, que je préfère ne pas y croire… Cent mille hommes !… Ils en sont réduits à demander cent mille hommes !… Allons faire un tour sur la plage… Cent mille hommes !… Non, vraiment, c’est insensé !

À la digue, ils rencontrèrent M. Grassoux, qui se passait sous le nez l’arôme d’un long cigare.

— à propos, dit le millionnaire, nous partons demain pour Folkestone.

— Vous plaisantez ? s’écria M. Forestier.

— Du tout… Si vous m’en croyez, tâchez de partir à temps.

— Merci ! je reste.