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TROISIÈME PARTIE

Il ne songeait donc point à rejoindre Marthe et Lysette, qui attendaient patiemment chez les Forestier la fin de la guerre et la punition des envahisseurs. Parfois, Philippe accompagnait le médecin, durant ses visites à la campagne. C’était pour l’écrivain un bonheur profond et grave que de voir la confiance et le travail se répandre à nouveau dans les champs. Et, dans le cabriolet, que la jument noire cahotait paresseusement le long des routes flamandes, il ne se lassait point de contempler ce bon pays de Flandre aux horizons monotones, aux pâturages bordés de saules et de peupliers rêveurs.

Tout dénué qu’il soit de beautés naturelles, il séduit l’âme par sa mélancolie, née de l’espace, de la solitude et du silence, où les bruits éveillent au loin des douceurs musicales, où le regard s’épuise dans l’immensité des plaines, où les petites fermes à pignons blancs se pressent autour d’une église comme des moutons aux pieds d’un pasteur.

Un dimanche que Philippe accompagnait le médecin jusqu’au village de Poelcapelle, ils parlèrent des envahisseurs, qui n’avaient à la bouche que leur « vaterland », sans égard à la patrie des autres.

— Je comprends mieux, depuis la guerre, dit l’écrivain, cette opinion de Romain Rolland sur le pays natal. Il prétend avec raison que ce ne sont pas les pays les plus beaux qui prennent le cœur davantage, mais ceux où la terre est le plus près de l’homme, où chaque chose lui parle un langage intime et familier.