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L’EXODE

Sylvain se pencha, pour serrer la main du confrère malheureux ; mais il ne put trouver une parole. Au lieu de suivre le cortège, il fit tourner à gauche la vieille Cocotte surprise, qui menaçait de reculer jusque dans la douve du rempart.

— Pauvres gens ! murmura Sylvain.

Et, sans plus rien dire, il rentra chez lui par la porte de Lille, afin d’éviter ces misérables dont la vue lui faisait mal.

Le soir, à table, il conta au vieux Barnabé la pénible rencontre qu’il avait faite.

— C’est un bien honnête homme, dit Barnabé. Je me rappelle encore ses parents, de simples fermiers, qui se sont donnés beaucoup de mal pour lui payer des études.

Toute la soirée, Sylvain demeura songeur. On sentait que la misère de ce médecin de village l’émouvait plus que la souffrance de ses blessés. Peut-être se voyait-il errant lui aussi, le long des routes, et traînant ses pas derrière un cortège de fugitifs…


IV


Le 7 octobre, Philippe et Sylvain, en revenant de la clinique, s’aperçurent à l’animation des rues qu’il se passait quelque chose d’anormal. Des ouvriers quittaient leur besogne, des commerçants fermaient leurs magasins, des gens s’agitaient au seuil des portes, on