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L’EXODE

— « A few shells », dirent négligemment les Anglais, que Philippe interrogeait au passage.

Leur paisible optimisme soutenait le moral de la population. On les voyait dans les prairies s’amuser au jeu de football, et ceux qui partaient pour les tranchées avaient l’air joyeux et marchaient en chantant.

Bientôt les vitres tremblèrent au vacarme des canons. Chacun s’empressa d’emballer ses meubles ; et l’on commençait à fuir, lorsque les autorités suspendirent la délivrance des passeports : Ypres ne courait aucun danger ; on répondait de la sûreté des habitants.

Mais, le 28 octobre, les obus éclatèrent dans les rues. Ce fut alors un sauve-qui-peut où l’on ne s’inquiéta ni des passeports ni des autorités. On galopa entre des maisons croulantes ; on s’enfuit sans argent ni bagage, abandonnant tout à la destruction.

Un obus renversa un pan de mur à la clinique. Les religieuses tombèrent à genoux, les blessés qui purent sauter de leur lit se traînèrent jusqu’aux casernes, où le service de la Croix-Rouge leur donna l’hospitalité. Sylvain fit prendre les autres par des ambulances militaires, et, tandis que les religieuses fuyaient à leur tour, il courut chez lui s’occuper de sa famille.

À peine entré dans sa maison, une trombe d’air le renversa. Quand il se mit debout, assourdi par le vacarme, il vit la rue pleine de décombres et, sur le trottoir, en face, quelques murailles ébréchées entre des monceaux de plâtras.

Une bombe venait de détruire l’hôtel où l’officier