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L’EXODE

Le reste de la nuit se passa dans la terreur. Les officiers français, dans la cave adjacente, étudiaient une carte à la fumeuse lueur de deux bougies. L’Anglais, couché sur son matelas, ronflait, indifférent au vacarme des bombes.

Vers l’aube, le vieux Barnabé, vaincu par la fatigue, s’endormit, le menton sur la poitrine et les mains tombantes aux accoudoirs de son fauteuil.

Le lendemain, dans les intervalles du bombardement, on jeta l’argenterie dans les vastes pots de grès où, jadis, Mme  Claveaux conservait sa provision de beurre. Ils furent enterrés au jardin. On lia des valeurs en paquets ; on bourra de vêtements quelques valises ; chacun saisit les objets précieux qu’il pouvait emporter et, on laissa le reste à la merci des obus.

— Allons ! soupira le Dr  Claveaux, qui, une valise à chaque main, ne pouvait essuyer ses pleurs.

Au dernier moment, Barnabé se révolta.

— Non ! s’écria-t-il, je ne partirai pas !

Et, repoussant Nanette, marquant chaque syllabe de coups de poing dans l’espace, il reprit :

— Allez-vous-en !… Allez-vous-en !… laissez-moi, je ne par-ti-rai pas !

Nanette, autrefois si acariâtre et si despotique, tâchait en pleurant de lui saisir la main.

— Que le diable vous emporte ! gesticulait Barnabé.

Il se calma, quand Sylvain lui promit de descendre à Poperinghe, et de l’y installer au couvent des Sœurs.