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L’EXODE

chair meurtrie dans des trains, qui furent bourrés jusqu’aux fourgons.

Le premier allait partir, après un long retard, lorsque deux blessés arrivèrent : un Français, le bras en écharpe, et un prisonnier allemand, qui se retenait de la main à l’épaule de son ennemi. L’Allemand, dont le pantalon fendu montrait un bandage à la cuisse, pouvait à peine se tenir debout. Le Français, de son bras valide, le soutenait à la taille. Tous deux étaient jeunes et semblaient écrasés de fatigue. Associant leurs forces, ils se traînaient vers le fourgon d’arrière, où des infirmiers les aidèrent à monter.

Après cela, Philippe dont les yeux se mouillèrent, comprit l’épouvantable barbarie de cette culture allemande qui sanctifiait la guerre et donnait tant à souffrir !

Mais le train commença de se mouvoir. On jeta un dernier regard sur les maisons de la place, puis sur les douves des remparts. Un cygne dédaigneux regardait passer des chariots automobiles sous les peupliers de la route où, jadis, venaient rêver les amoureux…

Un sentiment de délivrance atténuait la tristesse du départ. Sauf Barnabé, chacun se sentit heureux d’avoir échappé à l’angoissante agitation des derniers jours. À la joie de vivre encore succéda peu à peu une excitation mêlée d’inquiétude et de bonheur.

On fut bientôt à Poperinghe et Barnabé se leva.

Sylvain n’essaya point de le retenir, sachant qu’au