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L’EXODE

lampe, de la maison lointaine, dont le souvenir vous serrait le cœur.

— Allons-nous-en d’ici ! soupira Philippe, qui se sentit faiblir.

Dans le quartier des pêcheurs, il faisait déjà sombre. Les réverbères, à demi voilés, rabattaient sur la neige une lumière jaune, où l’on voyait tomber des flocons. De temps à autre, un projecteur de Douvres découpait un morceau du ciel obscur, et, parfois, l’on était enveloppé comme d’une poussière d’étoiles. Puis, tout redevenait noir.

Lucienne et Philippe s’avançaient dans une rue silencieuse, bordée par un mur d’école, et, du côté de la campagne, par la haie d’un pâturage dont la blancheur s’enfonçait dans la nuit.

— Voulez-vous que je reste ? demanda Lucienne. Cela me fait si mal de vous quitter.

Philippe l’arrêta sous un réverbère, n’osant croire qu’elle parlât sérieusement.

Sa voix tremblait, elle se sentit monter des larmes, et, gardant une attitude simple et droite, elle essaya de sourire. Un moment, il hésita ; mai », lui voyant un air si triste, il affecta de rassembler son courage.

— Non, fit-il, je préfère que vous partiez. Si la guerre est longue, j’aurai à souffrir de vous voir dans la gêne et les privations.

— Mais vous, Philippe, vous ne craignez donc pas la misère ?