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L’EXODE

Comme on tardait à lui ouvrir, Philippe sonna plus fort. Après une nouvelle attente, il commença de s’inquiéter, croyant qu’on l’avait aperçu à travers le rideau. Mais, décidé à ne pas quitter la place, il secoua le carillon si bien qu’une porte s’ouvrit à la maison voisine, où une bonne parut, les mains sur les oreilles.

Nobody at home ! cria-t-elle, puis elle rentra, faisant claquer le vantail.

Les Grassoux étaient-ils sortis ? Cela parut invraisemblable à Philippe, qui se rappelait leur crainte de se mouiller les pieds, leur terreur des courants d’air, les sonneries de téléphone et l’arrivée du médecin, au premier symptôme de migraine ou d’un rhume de cerveau.

Mais alors, où les trouver ? Le soupçon lui vint qu’ils avaient quitté la ville, bien qu’il n’osât croire qu’ils fussent partis sans un mot d’adieu, comme des voleurs se sauvent.

Pour savoir à quoi s’en tenir, il se rendit chez l’agent de location, qui lui apprit que les Grassoux se trouvaient en Italie.

— Les misérables ! pensa l’écrivain, tout en écoutant le récit de leur brusque départ.

L’agent de location l’estimait ridicule et le contait avec un dédaigneux sourire : Un sous-marin allemand venait de couler un navire de guerre britannique dans le chenal, en vue des côtes anglaises. Madame Grassoux, aussitôt, s’était affolée ; elle vit l’Angleterre sans