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L’EXODE

que la guerre avance ; mais, depuis la fin d’octobre, elle n’a plus fait un pas… Alors, que voulez-vous ! je pleure et me décourage.

Elle se plaignait ainsi dans un fauteuil, près d’un feu clair, au bruit soyeux de la neige tombante.

— C’est le mal du pays qui la ronge, dit Lucienne, maman voudrait retourner à Bruxelles, se sentir dans sa maison.

— Et les Allemands ? objecta Philippe.

— Oh ! fit Mme Fontanet, je tâcherais de les oublier…

C’est ma fortune surtout qui m’inquiète.

Marthe pensa la consoler, en lui proposant d’habiter ensemble, de faire des économies, de résister jusqu’au printemps.

— Mais pourquoi ne pas retourner en Belgique ?

reprit la vieille dame avec insistance.

— Impossible ! dit l’écrivain, je ne pourrais vivre sous les Allemands. Pour moi, le retour, c’est la forteresse ou un coup de fusil. Je ne saurais me taire en Belgique ; et, un beau jour, il m’arriverait de dire tout haut ce qu’il n’est permis que de penser… Alors, quoi ?

Mme Fontanet garda le silence ; Lucienne baissa les paupières, et Marthe n’osa point donner suite à sa proposition.

En retournant chez elle, assombrie par cet accueil, qui ne lui laissait aucun espoir de persuader Mme Fontanet, Marthe dit à Philippe :

— Elle est butée. Elle partira.