Page:Toulet - Béhanzigue, 1921.djvu/138

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eurtent, meurent dans l’air mou où des geysers de boue çà et là jaillissent. De toutes parts la trompe des automobiles, le barrissement des tramways, les sonnailles des voitures, sonnent et résonnent comme des appels de mort. Vous échappez enfin, bondissant, semblable à la gazelle, déjà vous touchez l’asile du trottoir d’en face — et déjà l’acre aboiement des marchands de gazette et des camelots se mêle, dans votre oreille résignée, aux divers patois américains que des hommes glabres, à vos côtés échangent, non moins que des coups de coude, — au même instant qu’à quelques pas le pneu d’une quarante chevaux éclate avec un bruit de bombe anarchiste.

ANTISTROPHE

— Encore, dit Lœtitia, si, une fois chez soi, l’on pouvait savourer un peu de ce précieux silence si doux à entendre, qu’il tient lieu de penser ? Mais quoi, oubliez-vous que votre propriétaire, ses voisins, et jusqu’à ceux d’en face, furent pris, voilà un an, de la fièvre de bâtir —qui ressemble tant à la manie de détruire. Voilà un an que, depuis le petit jour, jusqu’à la nuit tombante, des camions déchargent sur le pavé des poutres de fonte ; et que des pans de mur, plus grands que celui d’Orange, s’écroulent avec fracas sur les cours retentissantes.

Entre tant, mille et un ouvriers frappeurs, et autres frappes : les polisseurs sur verre, les boute-clous, les tombeurs du toit, les sublimes de la mailloche, les gratte-marquise, les é