Page:Toulet - Béhanzigue, 1921.djvu/70

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— Aussi bien, dit Chariclée, en faisant ses yeux sublimes ; ont-ils tous un air de doute, une inquiétude géographique de n’être nés nulle part, pas même en Suisse.

— C’est que je ne vous ai pas tout dit, reprend Béhanzigue. Ce génie, à qui sa collègue montra la princesse Badoure, avait découvert de son côté un certain prince Camaralzaman, qu’il déclarait le plus beau des hommes. Et, à ne vous rien cacher, ce Camaralzaman était un bourgeois de Paris. Faut-il ajouter qu’il aima Badoure ?…

— Non, il ne faut pas. Et si c’est d’eux, comme je crois que vous voulez me faire croire, que sont nés tous ces magots, peut-être ferions-nous bien d’aller les voir de plus près.

Ils se levaient déjà, quand on cria la fermeture.

— Vous me raccompagnez, Monsieur Béhanzigue.

— Hélas, Madame, voici l’heure sainte venue. Et tant qu’à mourir à vos pieds, je le veux ; mais que ce soit d’amour, non pas de soif.

Chariclée le regarde qui s’éloigne, dandiné, dodelinant. Il a du ventre, le nez camus, la bouche rouge : quelque chose à la fois de Socrate et de Panurge.

— Autant celui-là, soupira-t-elle, en se demandant combien, d’ici minuit, elle va tantaliser de victimes, avant de sacrifier, peut-être à la dernière. Car ce qui importe, avec la marquise Odoacre Odoacri, ce n’est pas d’être : c’est d’être le dernier. Ce qui importe, c’est de faire distraction à l’invincible ennui d’un cerveau qui sonne le creux dans la solitude. Mais n’est-ce pas ainsi d’habitude, que l’on vous prend,