Page:Toulet - Béhanzigue, 1921.djvu/98

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joyeuse Alise, ma sœur de lait, qui m’aimait tant, à sa manière. Tandis que je les faisais cracher dans la crème leur parfum avec leur sang, cette folle, sous couleur de hâter mon lever, s’entêtait à me découvrir, si indiscrète enfin qu’il la fallait menacer tout de bon pour lui faire abandonner la partie. Alors, elle se rejetait sur la fenêtre, qu’elle ouvrait malgré mes cris, et s’en allait avec de grands éclats de rire que j’entendais décroître dans la spirale de l’escalier. Cependant le vent, comme il y en a toujours sur ce plateau du Cerne, surtout au comble où je perchais, faisait battre le volet qui, tour à tour, laissant voir ou voilant le soleil, tachait ma chambre d’une ombre et d’une lumière alternées.

Que tout cela est loin. Mais pour en revenir à d’Armentières, et au long temps qu’il mit à se déclarer, il a toujours soutenu que c’était de m’aimer trop qui l’avait rendu timide. Cela le prit enfin de se faire entendre à Beausemblay, un mois d’août. L’après-midi était si chaude que par-dessous une robe de chambre bien mince que je portais, on pouvait aisément deviner avec les yeux qu’il n’y avait tout de suite que moi toute nue. Tout d’un coup ce timide redevint cynique, comme il arrive, se mit à faire mille équivoques et un badinage grossier sur des choses que nous avons le plus l’habitude de tenir couvertes.

— Pourquoi, lui dis-je enfin, ne pas me dire tout simplement que vous m’aimez ?

Il sembla tomber dans le doute, mais je ne l’y laissai pas longtemps ; et s’il est mal à moi de lui avoir accordé si vite