Page:Tourgueneff - Récits d un chasseur, Traduction Halperine-Kaminsky, Ollendorf, 1893.djvu/139

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Et Ovsianikov soupira.

― Eh bien ! lui dis-je, assez sur les nobles ; parlez-moi des odnovortsi, Louka Petrovitch.

― Non, dispensez-moi d’en parler, répondit-il vivement. Je vous dirais bien… (Ovsianikov fit un geste.) Prenons plutôt tranquillement du thé. Des moujiks ne peuvent être que des moujiks, et si nous n’étions pas que des simples moujiks, que serions-nous ?

Nous prîmes le thé. Tatiana Illiinichna se leva et s’approcha de nous. Elle était sortie pendant la soirée et rentrée plusieurs fois sans bruit. Le silence régnait dans l’izba. Ovsianikov prenait gravement et lentement tasse après tasse.

― Mitia est venu, dit Tatiana à voix basse.

Ovsianikov fronça les sourcils.

― Qu’est-ce qu’il veut ? demanda-t-il.

― Il est venu vous demander pardon.

― Bah !

Ovsianikov secoua la tête.

― Voyez-vous, continua-t-il en s’adressant à moi, que faire avec les parents ? Car enfin on ne peut pas les repousser… J’ai un neveu, un gaillard très dégourdi, il n’y a pas à dire. Il a fait des études : eh bien ! on n’en peut rien attendre de bon. Il était employé de l’État, il a quitté les bureaux parce qu’il n’avait pas d’a-