Page:Tourgueneff - Récits d un chasseur, Traduction Halperine-Kaminsky, Ollendorf, 1893.djvu/187

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peler de la main. Gavrilo se signa, mais comme ça lui fut difficile, mes frères ! Il raconta que sa main était comme en pierre. Hein ! voyez-vous, et quand il eut fait le signe de la croix, la roussalka cessa de rire, et se mit à pleurer. Elle pleure, mes frères, et s’essuie avec ses cheveux, et ses cheveux sont verts comme du chanvre. Gavrilo la regarde et lui dit : « Verdure des bois, pourquoi pleures-tu ? » La roussalka répondit : « Pourquoi fais-tu le signe de la croix, homme ? Tu aurais vécu avec moi dans la joie de tes jours. Je pleure, parce que tu as fait le signe de la croix. Seulement, je ne me chagrinerai pas seule, tu souffriras jusqu’à la fin de tes jours. » Et alors, mes frères, elle disparut et au même instant Gavrilo retrouva son chemin. Seulement, depuis cette nuit-là, il est toujours triste.

— Vois-tu, dit Fedia après un court silence. Mais comment se peut-il que cette vermine des forêts trouble l’âme d’un chrétien ? Il ne lui a pas cédé, pourtant.

— Eh ! que veux-tu, dit Kostia… Et Gavrilo dit que la voix de la roussalka est douce et triste comme celle du crapaud.

— C’est ton père lui-même qui raconte cela ? dit Fedia.