Page:Tourgueneff - Récits d un chasseur, Traduction Halperine-Kaminsky, Ollendorf, 1893.djvu/189

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mirent à manger de bon appétit. Ivan seul ne bougea pas.

— Eh bien ! et toi ? lui dit Pavel. Mais Ivan ne voulut même pas allonger un bras de dessous sa natte. La chaudière fut bientôt vide.

— Avez-vous su, frères, dit Iliouchka ce qui est arrivé de l’autre côté aux Varnavitsi ?

— À la digue ? dit Fedia.

— Oui, oui, à la vieille digue démolie… Voilà un endroit impur et désert ! Des ravins tout autour, des rochers… et des serpents.

— Eh bien ! qu’est-il arrivé ?

— Voici, tu ne sais pas, Fedia, qu’on y a enterré un noyé, il y a bien longtemps, quand l’étang était profond. Ça ne se voit pas bien, pourtant il y a une petite élévation. Il y a quelques jours, l’intendant appelle le veneur Ermil. « Va donc, Ermil, à la poste ! » qu’il lui dit. C’est toujours Ermil qu’on envoie à la poste. Il a exténué tous ses chiens, ils ne peuvent pas vivre chez lui, et pourtant c’est un très bon veneur. Voilà donc Ermil qui s’en va à la poste. À la ville, il s’attarde un peu. Et il avait un peu bu quand il monta pour revenir. C’est la nuit, une nuit très claire, une nuit de pleine lune. Ermil arrive à la digue. C’était son chemin. Il s’y engage, le veneur Ermil, et il vit sur la tombe