Page:Tourgueneff - Récits d un chasseur, Traduction Halperine-Kaminsky, Ollendorf, 1893.djvu/197

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nante : et tout le monde crie : « Ohé ! Trichka, viens ! » Trichka vient, et on se jette de tous les côtés. Le starost se plongea dans un fossé, sa femme alla se glisser sous la porte cochère en criant si bien que son chien s’effaroucha et s’enfuit dans le bois. Et Doroféitch, le père de Kouzka, se jeta dans les avoines, s’y accroupit et se mit à imiter le cri de la caille : « Le malin pensait : Il ne voudra pas d’un oiseau. » Enfin ils avaient tous la tête à l’envers. Et l’homme si étonnant, c’était Vavilo, le tonnelier : il venait d’acheter un petit baril cerclé de fer et s’en était coiffé.

Tous les gamins rirent, puis restèrent un moment tout à fait silencieux, comme il arrive toujours entre gens qui causent en plein air. Je regardai de tous côtés, la nuit régnait solennelle ; à la fraîcheur humide du soir avait succédé la tiédeur sèche de la nuit, et longtemps encore elle devait rester étendue comme un doux voile sur les champs endormis, longtemps encore jusqu’aux premiers rayons de l’aurore. La lune n’était pas encore levée, les innombrables étoiles d’or semblaient flotter moelleusement en rivalisant de scintillements dans la direction de la voie lactée. Et en les regardant fixement, il semble qu’on ait un vague senti-