Page:Tourgueneff - Récits d un chasseur, Traduction Halperine-Kaminsky, Ollendorf, 1893.djvu/282

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On ne le tombera pas ! » se firent entendre dans la rue, et sur le perron. Et bientôt, entra dans le comptoir un homme de petite taille, l’aspect d’un poitrinaire, le nez démesuré, de grands yeux immobiles, et des poses de matamore. Il portait un débris de manteau couleur adélaïde, ou, comme on dit chez nous, odéloïde, à collet en peluche et à petits boutons. Il avait une charge de bois sur les épaules, autour de lui cinq dvorovis criaient : « Koupria ! on ne le tombera pas ! Il est promu chauffeur, Koupria, chauffeur ! » Mais le personnage au col de peluche n’honorait pas de son attention tous ces braillards ; son visage ne changeait pas, il alla au poêle lentement, s’y débarrassa de sa charge, se redressa, tira de ses poches sa tabatière, et se bourra le nez d’un tabac mélangé de cendres. À l’arrivée de l’escorte bruyante, le caissier fronça les sourcils et se leva ; mais quand il eut compris qu’on s’amusait aux dépens d’un Koupria, il sourit et recommanda seulement de ne pas crier.

— Il y a ici un chasseur qui dort, ajouta-t-il.

— Qu’est-ce que c’est que ce chasseur ? demandèrent deux hommes.

— Un pomiéstchik.

— Ah !