Page:Tourgueneff - Récits d un chasseur, Traduction Halperine-Kaminsky, Ollendorf, 1893.djvu/315

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personne et vit, dit-on, comme un ladre. N’empêche qu’il est un excellent pomiéstchik, un brave militaire, un homme d’ordre, un vieux grognard, disent ses voisins. Le gouverneur se permet de sourire quand on parle devant lui des qualités exquises et solides de Khvalinsky… mais… l’envie…

Passons maintenant à l’autre pomiéstchik. Mardari Apollonitch Stegounov ne ressemble en rien à Khvalinsky. Jamais il n’a servi et jamais il n’a dû passer pour bel homme. Mardari Apollonitch est un petit vieillard rond, chauve, à double menton, à petites mains molles et à panse rebondie. Il est très hospitalier et grand bavard. Il vit à sa guise, comme on dit. Été comme hiver, on le voit en robe de chambre rayée doublée de ouate. Seul trait commun entre lui et Khvalinsky, ils sont tous deux célibataires. Stegounov possède cinq cents âmes. Il n’apporte à l’administration de son bien que des soins légers. Pour n’être pas trop en arrière de son siècle, il a acheté, il y a dix ans, à Moscou, une machine à battre le blé, mais il l’a enfermée dans une remise. Parfois, les beaux jours d’été, il fait atteler la drojka et va cueillir des bluets parmi la moisson prochaine. C’est un homme du vieux temps, et l’architecture de