Page:Tourgueneff - Récits d un chasseur, Traduction Halperine-Kaminsky, Ollendorf, 1893.djvu/317

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L’économie domestique est confiée à une vieille femme qui porte pour coiffure un mouchoir brun, une baba ridée et avare. Mardari Apollonitch nourrit dans ses écuries trente chevaux d’espèces différentes. Il se sert pour ses courses d’un équipage construit chez lui et qui pèse cent cinquante pouds. M. Stegounov reçoit ses visiteurs très cordialement et les régale à profusion. Grâce aux étonnantes propriétés de la cuisine russe, on ne peut, en se levant de sa table, se livrer de toute la soirée à aucune autre occupation que la partie de préférence. Quant à lui, il ne fait jamais rien ; il a même renoncé à son sonnik[1]. Comme nous comptons en Russie un trop grand nombre de pomiéstchiks de cette espèce on me demandera sans doute pourquoi je décris un Mardari Apollonitch : eh bien ! c’est que je meure d’envie de raconter une récente visite que je lui ai faite.

Nous sommes en été. J’arrive à sept heures du soir : les vêpres viennent de finir, le pomiéstchik rentre, accompagné d’un prêtre, jeune homme fort timide et qui avait quitté depuis un an à peine les bancs de son séminaire. Je trouvai cet ecclésiastique assis près

  1. Interprète des songes.