Page:Tourgueneff - Récits d un chasseur, Traduction Halperine-Kaminsky, Ollendorf, 1893.djvu/331

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levant la jambe droite plus haut que la tête tout en visant, limer pendant deux minutes avant de frapper la bille. Mais on conviendra que ce sont là des mérites trop rares. Il boit sec, mais en Russie cela n’est pas très caractéristique. Bref, son succès fut toujours pour moi une énigme. N’oublions pourtant pas de noter qu’il est prudent, qu’il ne médit jamais de personne, qu’il laisse, comme on dit, les ordures dans l’izba.

— Eh bien ! pensai-je en voyant Khlopakov, quel est son tic ?

Le prince fit la blanche.

— Trente à rien, cria le marqueur, un phtisique au visage sombre et aux yeux plombés.

Le prince bloqua la jaune dans la poche du coin.

— Hé ! toussota approbativement de tout son ventre un gros marchand assis dans un coin, buvant devant une petite table chancelante.

Il s’intimida lui-même d’avoir fait tant de bruit ; mais, ayant constaté que personne ne l’avait observé, il respira et se caressa la barbe.

— Trente-six à très peu, nasilla le marqueur.

— Eh bien ! qu’en dis-tu, frère ? dit le prince à Khlopakov.

— Eh bien ! c’est comme un rrrakalioon, positivement un rrrakalioon.