Page:Tourgueneff - Récits d un chasseur, Traduction Halperine-Kaminsky, Ollendorf, 1893.djvu/66

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vin. L’un, assez fort, de haute taille, était vêtu d’un cafetan vert foncé et coiffé d’une casquette de drap rembourrée de duvet ; il pêchait à la ligne. L’autre, maigre et chétif, affublé d’un veston rapiécé, tête nue, tenait le pot aux vers et, de temps en temps, couvrait de sa main sa tête grise comme pour parer à un coup de soleil. Je regardai ce dernier avec attention, et ne tardai pas à reconnaître en lui un nommé Stépouchka, de Choumîkhino. Voulez-vous, cher lecteur, me permettre de vous présenter ce brave homme ?

À quelques verstes de mon village, s’élève la commune de Choumîkhino, dominée par une église construite en pierre et dédiée aux bienheureux Kozma et Damian. Devant la façade de cette église, s’étalait jadis une ample maison seigneuriale, flanquée en retraite d’un nombre considérable de constructions : offices, ateliers, écuries, remises, salles de bains, cuisines, pavillons d’été, chambres d’hôtes et d’intendants, orangeries, escarpolettes et autres constructions plus ou moins utiles. Ce château avait été habité par de riches pomiéstchiks. Tout alla bien jusqu’au jour où un incendie vint tout détruire.

Les maîtres allèrent s’arranger plus loin une demeure provisoire sortable. Le manoir devint