Page:Tourgueneff - Récits d un chasseur, Traduction Halperine-Kaminsky, Ollendorf, 1893.djvu/95

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« Je vous dirai, reprit-il en se penchant vers moi et en levant les sourcils, que ces dames n’avaient pas de relations avec leurs voisins : les uns, pauvres comme elles, n’étaient pas de leur monde. Et quant aux riches, la fierté de ces dames leur défendait toute liaison avec eux. C’était une famille très honorable, et, que voulez-vous ? leurs égards pour moi me flattaient ; Alexandra ne prenait ses potions que de ma main. Elle se soulève, la pauvrette et, avec mon aide, elle boit, puis me regarde, ― un regard à fendre l’âme.

« Cependant elle empire, elle mourra certainement. Voyez-vous, c’était comme si j’aurais voulu être en bière à sa place. La mère et les sœurs ne me quittent plus, je perds toute assurance. « Comment va-t-elle ? ― Rien… » Quel rien ! mon esprit se détraque. Une nuit, je suis assis près de la malade, seul. Il y avait une domestique, mais elle ronflait. On ne pouvait lui en faire un crime. Elle avait bien du mal, elle aussi. Alexandra Andréevna avait eu la fièvre toute la soirée. Pas un moment de calme jusqu’à minuit. À minuit, un peu d’assoupissement ; du moins, elle est étendue comme morte. La lampe brûle devant l’icône. Peu à peu, ma tête s’incline et voilà que je m’endors aussi. Tout à