Page:Tourgueniev - Fumée.djvu/113

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cats et des jurés, et ne touchez pas à la discipline militaire ; libre à vous, au surplus, de construire des ponts, des quais et des hôpitaux, et je ne vois pas pourquoi les rues ne seraient pas éclairées au gaz.

— Ils ont mis le feu aux quatre coins de Pétersbourg, voilà ce qu’ils appellent progrès, s’écria l’irascible général.

— Je vois que tu es rancunier, lui dit le gros général en se dandinant ; tu ferais un excellent procureur général au saint-synode ; pour moi, avec Orphée aux Enfers, le progrès a dit son dernier mot.

— Vous dites toujours des bêtises, cria d’une voix aigre la dame d’Arzamas.

— Je ne suis jamais plus sérieux, madame, repartit le général avec encore plus d’emphase, que quand je dis des bêtises.

— C’est une phrase de M. Verdier, remarqua à demi-voix Irène.

— De la poigne et des formes ! s’écria le robuste général, de la poigne, surtout. Ce qui peut se traduire ainsi en russe : Sois poli, mais casse-lui la gueule.

— Ah ! tu es un inconvertissable mauvais sujet, fit l’efféminé général. Mesdames, veuillez ne pas le croire : il ne tuerait pas une mouche ; il se contente de dévorer les cœurs.

— Non, Boris, — commença Ratmirof après avoir échangé un regard avec sa femme, — plaisanterie à part, il y a ici de l’exagération. Le progrès