Page:Tourgueniev - Fumée.djvu/128

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et ne les lâcha pas tout de suite. Ce seul attouchement remplit son cœur d’un trouble depuis longtemps oublié. Irène le regardait de nouveau en face, mais cette fois en souriant, et, de son côté, il eut pour la première fois le courage de l’observer avec attention. Il reconnut ces traits qui lui avaient été si chers, ces yeux si profonds avec leurs cils étranges, la façon dont ses cheveux étaient plantés sur son front, son habitude de tordre un peu les lèvres en souriant et d’imprimer à ses sourcils un mouvement comique et charmant. Mais comme elle avait embelli ! Quel charme, quelle force dans ce jeune corps féminin ! Et ni rouge, ni poudre, ni aucun fard sur ce pur et frais visage… Ah oui !… c’était une beauté !

Litvinof se mit à rêver… il la regardait toujours, mais ses pensées étaient loin…

Irène le remarqua.

— Allons ! voilà qui est bien, dit-elle en reprenant plus haut la conversation, ma conscience est maintenant en repos et je puis satisfaire ma curiosité.

— Votre curiosité ? répéta Litvinof, qui ne comprenait pas.

— Oui. Je tiens à savoir ce que vous avez fait, quels sont vos plans ; je veux tout savoir, comment, quand, tout, tout. Et vous devez me dire la vérité, car je vous préviens que je ne vous ai pas perdu de vue… autant que possible.

— Vous ne m’avez pas perdu de vue, vous… ? là… à Pétersbourg ?

— Au milieu de l’éclat qui m’entourait, comme