Page:Tourgueniev - Fumée.djvu/185

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— Mais il me souvient, Grégoire Mikhailovitch, que cette… cette personne dont vous m’avez parlé, doit arriver ici ? Vous l’attendiez ?

— Oui ; mais je lui écrirai… Elle s’arrêtera quelque part en route… à Heidelberg, par exemple.

— Ah ! à Heidelberg… oui… c’est très bien. Mais tout cela dérange vos plans. Êtes-vous sûr, Grégoire Mikhailovitch, que vous n’exagérez pas, et que ce n’est pas une fausse alarme ?

Irène parlait tranquillement, presque froidement, avec de légères pauses, regardant du côté de la fenêtre. Litvinof ne répondit pas à sa dernière question.

— Pourquoi avez-vous parlé de mortification ? continua-t-elle. Je ne suis pas blessée… oh ! non. Et si un de nous est coupable, ce n’est pas vous ; en tous cas, ce n’est pas vous seul… Rappelez-vous nos dernières conversations, et vous vous convaincrez que ce n’est pas vous qui êtes coupable.

— Je n’ai jamais douté de votre générosité, dit entre ses dents Litvinof, mais je voudrais savoir si vous approuvez mon intention ?

— De partir ?

— Oui.

Irène continuait à regarder de côté.

— Au premier moment votre intention m’a paru prématurée… Maintenant j’ai réfléchi sur ce que vous m’avez dit… et si réellement vous ne vous trompez pas, je suppose alors qu’il vous convient de vous éloigner. Cela vaudra mieux… mieux pour tous deux.