Page:Tourgueniev - Fumée.djvu/198

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suite ni liaison, et se donna aussitôt beaucoup de mouvement pour prendre leurs billets, les débarrasser de leurs sacs, de leurs plaids, leur procurer un facteur, retenir une voiture ; on criait autour de lui, il était tout heureux de ce bruit. Tatiana se mit un peu à l’écart, et, sans cesser de sourire, attendit tranquillement le terme de son agitation fiévreuse. Capitoline Markovna ne pouvait, au contraire, rester en place ; elle ne pouvait pas encore croire qu’elle fût à Bade. Elle s’écria tout à coup :

« Et les parapluies ! Tatiana, où sont les parapluies ? » oubliant qu’elle les serrait sous son bras ; puis elle n’en finit pas de prendre bruyamment congé d’une dame dont elle avait fait la connaissance entre Heidelberg et Bade. Cette dame n’était autre que notre amie madame Soukhantchikof. Elle avait été saluer Goubaref à Heidelberg, et en revenait avec des « instructions ». Capitoline Markovna portait une mantille bigarrée assez singulière et un chapeau rond de voyage, en forme de champignon, qui ne cachait pas une chevelure blanche taillée à l’enfant : d’une taille moyenne, maigre, elle était échauffée par la route et parlait russe d’une voix aiguë et chantante. On la remarqua.

Litvinof finit par l’installer avec Tatiana dans une voiture et se plaça vis-à-vis d’elles. Le cocher fouetta ses chevaux. Vinrent les questions : on échangea des poignées de mains, des sourires et des compliments. Litvinof respira : le premier moment ne s’était pas trop mal passé. Rien en lui ne sem-