— Non, je la connais depuis longtemps.
— Comme elle est belle !
— As-tu remarqué sa toilette ? dit Capitoline Markovna. On pourrait nourrir dix familles toute une année avec l’argent qu’ont coûté ses seules dentelles ! C’est son mari qui était avec elle ? ajouta-t-elle en se tournant vers Litvinof.
— Son mari.
— Il doit être horriblement riche ?
— Je l’ignore, mais je ne le suppose pas,
— Et quel grade a-t-il ?
— Il est général.
— Quels yeux ! reprit Tatiana, ils ont une étrange expression : ils sont en même temps rêveurs et perçants ; jamais je n’en ai vu de pareils.
Litvinof ne répondit rien ; il lui semblait sentir encore sur son visage le regard inquisiteur de Tatiana ; il se trompait : elle regardait à ses pieds le sable de l’allée.
— Mon Dieu ! quel est ce monstre ? s’écria tout à coup Capitoline Markovna, montrant du doigt un panier dans lequel était nonchalamment étendue une femme rousse, au nez retroussé, vêtue d’un costume de couleur criarde, avec des bas lilas.
— Ce monstre ? mais ce n’est rien moins que la fameuse mamzelle Cora.
— Qui ?
— Mamzelle Cora, une célébrité parisienne.
— Comment ? ce carlin ? mais c’est un laideron.
— Apparemment cela n’y fait rien.