Page:Tourgueniev - Fumée.djvu/204

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Les bras en tombèrent à Capitoline Markovna. — Il est joli votre Bade ! Peut-on s’asseoir sur ce banc ? je suis un peu fatiguée.

— Certainement, Capitoline Markovna, c’est pour cela que les bancs sont faits.

— Qu’en sait-on, de vos usages ? On dit, par exemple, qu’à Paris, il y a aussi des bancs sur les boulevards, mais qu’il n’est pas convenable de s’y asseoir.

Litvinof ne se donna pas la peine d’édifier à ce sujet Capitoline Markovna : il s’aperçut qu’ils étaient à la même place où il avait eu avec Irène son explication décisive… puis il se rappela qu’il venait de remarquer sur sa joue une petite tache rose. Capitoline Markovna prit possession du banc, Tatiana s’assit à côté d’elle, Litvinof resta debout dans l’allée : était-ce effet de son imagination ou réalité, il lui semblait que quelque chose d’indéfinissable s’interposait graduellement entre Tatiana et lui.

— Ah ! quelle bouffonne, reprit Capitoline Markovna en secouant la tête avec compassion. Si on vendait sa toilette, ce n’est plus dix, mais cent familles qu’on pourrait nourrir. Avez-vous vu des diamants sous son chapeau, sur ses cheveux rouges ? Des diamants, le matin ?

— Elle n’a pas les cheveux roux, remarqua Litvinof ; elle les teint ainsi suivant la mode.

Capitoline fit encore un mouvement de stupéfaction et se mit à réfléchir. — Chez nous, à Dresde,