Page:Tourgueniev - Fumée.djvu/206

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Potoughine en regardant Tatiana à la dérobée ; c’est un séjour très agréable que Bade.

— Oui, il est seulement trop aristocratique, autant que je puis en juger. Nous avons habité Dresde avec elle, tout ce temps ; c’est une ville très intéressante, tandis qu’ici c’est un vrai raout.

— « Le mot lui plaît, » pensa Potoughine. — Votre remarque est parfaitement juste, dit-il tout haut, mais en revanche la nature est ici splendide, et la situation des plus pittoresques qu’on puisse rencontrer. Votre compagne doit principalement apprécier cela. N’est-il pas vrai, mademoiselle ? ajouta-t-il en s’adressant cette fois directement à Tatiana.

Tatiana leva sur Potoughine ses grands yeux limpides. Elle semblait chercher à comprendre ce qu’on voulait d’elle, pourquoi Litvinof lui avait fait faire connaissance, dès le premier jour de son arrivée, de cet étranger qui avait d’ailleurs une honnête et intelligente figure, et qui la considérait avec politesse et intérêt.

— Oui, finit-elle par dire, on est très bien ici.

— Il faut que vous visitiez le Vieux-Château, continua Potoughine ; je vous conseille surtout d’aller à Ibourg.

— La Suisse saxonne… commença Capitoline Markovna…

Des trompettes se firent entendre ; c’était l’orchestre militaire prussien de Rastadt (en 1862 Rastadt était encore une forteresse fédérale),