Page:Tourgueniev - Fumée.djvu/247

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vois que vous vous fâchez, Grégoire Mikhailovitch. (« Moi, je me fâche ? » avait-il envie de s’écrier, mais la langue lui fit défaut.) Je ne veux pas vous irriter, mon Dieu ! il s’agit bien de cela ! je veux, au contraire, vous supplier : réfléchissez-y encore pendant qu’il en est temps, ne la perdez pas, ne détruisez pas votre propre bonheur, elle vous croira encore. Gricha, elle te croira, rien n’est encore perdu ; elle t’aime comme jamais personne ne t’aimera. Quitte cet exécrable Bade, partons ensemble, débarrasse-toi de ce charme qui t’a ensorcelé, et surtout aie pitié, aie pitié…

— Tante ! répéta Tatiana avec un grain d’impatience.

Mais Capitoline Markovna ne l’entendait plus.

— Dis seulement « oui », murmurait-elle à Litvinof, et j’arrangerai tout… Fais-moi donc du moins un signe de la tête, un petit signe pour une fois, comme cela !

Litvinof serait mort volontiers, mais le mot « oui » ne sortit pas de sa bouche, et sa tête ne fit pas le moindre mouvement.

Tatiana rentra une lettre à la main ; Capitoline Markovna quitta Litvinof et se pencha sur la table en faisant semblant d’examiner des comptes et des papiers.

Tatiana s’approcha de Litvinof. — Voici, dit-elle, la lettre dont je vous ai parlé. Vous irez, n’est-ce pas, tout de suite à la poste.

Litvinof leva les yeux… C’était réellement son