Page:Tourgueniev - Fumée.djvu/253

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— Tu pleures ? dit-il avec surprise.

Elle tressaillit, passa la main dans ses cheveux et sourit.

— Pourquoi pleures-tu ? répéta Litvinof.

Elle lui montra sa lettre en silence.

— Comment ? c’est de cela…, dit-il après une pause.

— Approche, assieds-toi, donne-moi la main. Eh bien ! oui, j’ai pleuré ; qu’y a-t-il là d’étonnant ? On dirait que c’est aisé…

Et elle montra encore la lettre.

Litvinof s’assit.

— Je sais que ce n’est pas aisé, Irène, je ne te l’ai pas caché, je comprends ta situation ; mais, si tu te rends compte des conséquences de ton amour, si mes arguments t’ont convaincue, tu dois également comprendre ce que je ressens à la vue de tes larmes. Je viens ici comme un accusé, et j’attends mon arrêt : la mort ou la vie ? Ta réponse tranchera tout. Seulement, ne me regarde pas avec ces yeux… Ils me rappellent tes anciens yeux, tes yeux de Moscou.

Irène rougit subitement et se détourna, comme si elle avait elle-même reconnu quelque chose de mauvais dans son regard.

— Que dis-tu, Grégoire ? N’as-tu pas honte ? Tu me demandes une réponse, comme si tu pouvais douter. Mes larmes te troublent, mais tu ne les as pas comprises. Ta lettre, mon ami, m’a fait faire des réflexions. Tu m’écris que mon amour supplée