Page:Tourgueniev - Fumée.djvu/285

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dans la boue, et, courbant humblement l’échine, il essaya par un humble sourire de les apaiser, en pétrissant sa casquette de ses mains rouges et en les assurant que les chevaux seraient prêts dans un instant. Mais les frères ne s’arrêtèrent que lorsque le puîné aperçut Litvinof. Soit qu’il le reconnût, soit qu’il eût honte devant un étranger, il tourna subitement sur ses talons comme un ours, et, mordant sa barbe, il rentra dans la maison de poste ; l’aîné se tut également et, d’un air non moins ours, il le suivit dans sa retraite. Le grand Goubaref n’avait pas perdu, à ce qu’il paraît, son influence dans son pays.

Bambaéf allait rejoindre les deux frères. Litvinof l’appela par son nom. Il regarda en arrière, abrita ses yeux de la main et, reconnaissant Litvinof, se précipita vers lui, les bras étendus ; mais, ayant atteint la calèche, il saisit la portière, y appuya sa poitrine et pleura comme trois fontaines.

— Finissez, finissez donc, lui dit Litvinof, en se penchant sur lui et en lui touchant l’épaule.

Mais il continuait à sangloter.

— Voilà… voilà jusqu’où… balbutiait-il en sanglotant.

— Bambaéf ! rugirent les frères du fond de l’izba.

Bambaéf leva la tête et essuya rapidement ses larmes.

— Bonjour, mon ami, murmura-t-il, bonjour et adieu. Tu entends, on m’appelle.

— Mais comment te trouves-tu ici ? demanda