Page:Tourgueniev - Fumée.djvu/45

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Pélikanof, et peut-on ajouter foi à Pélikanof, quand il est connu de tout le monde que c’est tout simplement un espion !

— Non, permettez, Matrena Semenovna, s’écria Bambaéf, Pélikanof est de mes amis, comment pourrait-il être un espion ?

— Oui, oui, c’est un espion !

— De grâce, permettez…

— Un espion, un espion ! criait madame Soukhantchikof.

— Mais non, veuillez m’écouter, hurlait à son tour Bambaéf.

— Un espion, un espion ! soutenait la dame.

— Non, non ! si vous me parliez de Tenteléef, à la bonne heure ? mugit Bambaéf.

Madame Soukhantchikof fut forcée de reprendre haleine ; Bambaéf en profita :

— Je sais de source certaine que, lorsqu’il fut requis à la chancellerie secrète, il se jeta aux pieds de la comtesse Blasekrampf en piaillant : « Sauvez-moi, venez à mon aide ! » Pélikanof n’a jamais fait de ces bassesses-là.

— Tenteléef… marmotta Goubaref, il faut prendre note de cela.

Madame Soukhantchikof haussa les épaules avec un ineffable mépris.

— Tous deux sont jolis, dit-elle, mais je sais sur Tenteléef une anecdote encore meilleure. C’était, vous le savez, un horrible tyran, quoiqu’il se posât en émancipateur. Un jour, il était à Paris