Page:Tourgueniev - Fumée.djvu/92

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J’ai l’humeur facile, comme vous savez. Eh bien, ce comte Reuzenbach s’est assis auprès d’Irène, il n’a pas causé avec elle plus d’un quart d’heure, il a dit ensuite à la princesse : « Ma cousine, votre fille est une perle ; c’est une perfection, tous me félicitent d’avoir une telle nièce. » Après cela je l’observe : il s’approche d’un très… très haut personnage, lui parle sans quitter des yeux Irène, et le personnage la regardait aussi…

— Ainsi Irène Pavlovna ne se montrera pas de la journée ? demanda de nouveau Litvinof.

— Non ; elle a un violent mal de tête. Elle m’a chargé de vous saluer et de vous remercier pour votre bouquet, qu’on a trouvé charmant. Elle a besoin de repos. La princesse est allée faire des visites, et moi aussi… — Le prince toussa, embarrassé d’achever son speech.

Litvinof prit son chapeau, dit qu’il ne voulait pas le déranger, qu’il repasserait plus tard prendre des nouvelles, et se retira.

À quelques pas de la maison des Osinine, il vit un élégant coupé s’arrêter devant la guérite du boudochnik[1]. Un laquais en éclatante livrée, négligemment penché sur le siège, lui demanda où demeurait le prince Paul Vasiliévitch Osinine. Litvinof regarda dans la voiture : elle était occupée par un homme d’environ cinquante ans, de complexion sanguine, à visage ridé et arrogant, avec un nez grec et des lèvres

  1. Gardien de police.