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PREMIER AMOUR

J’étais devenu tout à coup — du moins il me semblait — très perspicace. « Est-ce celui-ci ou celui-là ? » me demandais-je en énumérant fiévreusement dans mon esprit ses adorateurs l’un après l’autre.

Le comte Malevsky (quoique j’eusse honte pour Zinaïda d’en convenir) me semblait plus dangereux que les autres.

Ma perspicacité ne voyait pas plus loin que le bout de mon nez, et ma secrète surveillance ne trompait sans doute personne ; le docteur Louchine, au moins, m’avait eu vite deviné. Du reste, lui aussi changea dans ces derniers temps ; il maigrit, tout en riant aussi souvent, mais d’un rire assourdi, méchant et bref. Une irritation involontaire, nerveuse, remplaça l’ironie légère qui lui était habituelle et son cynisme voulu.

— Qu’avez-vous donc à traîner toujours vos guêtres ici, jeune homme ? me dit-il un jour