Page:Tourgueniev - Premier Amour, trad. Halpérine-Kaminsky.djvu/82

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.
68
PREMIER AMOUR

Je dis à mon diadka que je me déshabillerais et me coucherais seul, et j’éteignis la bougie. Mais je ne me déshabillai pas et je ne me couchai pas.

Je m’assis sur une chaise et longtemps je restai comme dans un enchantement. Ce que je ressentais était si nouveau et si doux !… J’étais sans mouvement ; à peine regardais-je autour de moi ; je respirais lentement, et seulement de temps à autres ; tantôt je riais aux souvenirs, tantôt j’éprouvais un froid intérieur à la pensée que j’aimais, et que cet amour tant attendu, voilà ce qu’il était… Le visage de Zinaïda flottait doucement devant moi dans l’obscurité. Il flottait et ne disparaissait pas. Ses lèvres avaient toujours leur sourire énigmatique ; ses yeux me regardaient un peu de côté, d’un air à la fois interrogateur, rêveur et tendre… comme au moment où je m’étais séparé d’elle.