Page:Tournefort Voyage Paris 1717 T2.djvu/159

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car les anciens avoient une idée si affreuse de la mer Noire, qu’ils n’osoient y entrer sans faire dresser des autels et des temples à tous les Dieux, et à toutes les Déesses de leur connoissance. Tout le détroit de l’embouchûre étoit nommé Hiera, c’est à dire Lieux sacrez. Outre le temple que fit bâtir sur la côte d’Asie Phryxus fils d’Athamante et de Nephele qui porta la Toison d’Or en Colchide ; les Argonautes qui entreprirent le même voyage pour rapporter ce thresor en Grece, ne manquerent pas d’implorer le secours des Dieux avant que de se hazarder sur une mer si dangereuse. Apollonius le Rhodien, et son Commentateur, qui ont assez bien expliqué les démarches de ces fameux voyageurs, assûrent qu’étans retenus par des vents contraires à l’embouchûre du Pont, il s passerent de la Cour du Roy Phinée, qui étoit en Europe sur la côte d’Asie, pour y faire élever des autels et des temples aux douze plus fameuses divinitez de ce temps-là. Suivant Timosthene, cité dans le Commentaire d’Apollonius, c’êtoient les compagnons de Phryxus qui avoient dressé les autels des douze Dieux, et les Argonautes n’en avoient élevé qu’un à Neptune. Aristide et Pline font mention du temple de ce Dieu. Herodote, suivant le même Commentaire, prétendoit que les Argonautes avoient sacrifié sur l’autel de Phrysus. Polybe a crû que Jason à son retour de la Colchide, avoit fait bâtir sur la côte d’Asie un temple consacré aux douze divinitez, et opposé au temple de Serapis qui étoit sur la côte d’Europe. Quoique ces sortes de recherches soient assez inutiles aujourd’hui, il n’y a rien pourtant de si agréable, quand on est sur les lieux, que de les faire passer en reveüe dans son esprit. On pourroit, en cas de besoin, nommer les divinitez reverées. Suivant le Commentateur d’Apollonius le Rhodien, c’étoient Jupiter, Junon,