Page:Tournefort Voyage Paris 1717 T2.djvu/310

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Les voleurs de nuit sont quelquefois plus à craindre que ceux qui volent le jour. Si l’on ne fait bonne garde dans les tentes, ils viennent tout doucement et sans bruit pendant que l’on repose et tirent des balots de marchandises avec des crochets, sans qu’on s’en apperçoive : si les balots sont attachez ou comme enchaînez avec des cordes, ils ne manquent pas de bons rasoirs pour les couper. Quelquefois ils les vuident à quelques pas des tentes, mais quand ils découvrent qu’il y a du Musc, alors ils les emportent et ne laissent que la coque du balot. Quand on part avant le jour, comme c’est l’ordinaire, les voleurs se mêlent avec les voituriers et détournent souvent des mulets chargez de marchandises, qu’ils dépaïsent à la faveur des tenebres. Ils ne s’attaquent pas à la pire, car ils connoissent les balots de soye aussi-bien que les marchands. Il part, toutes les semaines, des Caravanes d’Erzeron pour Gangel, Teflis, Tauris, Trebisonde, Tocat, et pour Alep. Les Curdes ou peuples du Curdistan, qui descendent à ce qu’on prétend des anciens Caldéens, tiennent la campagne autour d’Erzeron, jusques à ce que les grandes neiges les obligent à se retirer, et sont à l’affût pour piller ces pauvres Caravaniers. Ce sont de ces Jasides errans qui n’ont point de religion, mais qui par tradition croyent en Jasid ou Jesus, et ils craignent si fort le diable, qu’ils le respectent de peur qu’il ne leur fasse du mal. Ces malheureux s’étendent tous les ans depuis Mousoul ou la Nouvelle Ninive jusques aux sources de l’Euphrate. Ils ne reconnoissent aucun maître, et les Turcs ne les punissent pas, même lorsqu’ils sont arrêtez pour meurtre ou pour vol, ils se contentent de leur faire rachetter leur vie pour de l’argent et tout s’accommode aux dépens de ceux qui ont été volez. Il arrive même souvent que l’on traite avec les voleurs qui attaquent une Caravane, sur