Page:Tournefort Voyage Paris 1717 T2.djvu/511

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les Mariages, et les céremonies qu’observent les jeunes mariées en Armenie.

Et cette obscurité qui cache leur ardeur
Semble mettre à couvert leur honte et leur pudeur.

Cependant cela s’appelle en bon françois, cheter chat en poche. On dit qu’il y a des Armeniens qui ne connoîtroient pas leurs femmes s’ils les trouvoient couchées avec un autre homme. Tous les soirs elles éteignent la chandelle avant que de se dévoiler, et la pluspart ne découvrent point leur visage pendant le jour. Un Armenien qui revient d’un grand voyage n’est pas asseûré s’il trouvera la même femme dans son lit, ou si quelqu’autre femme, pour profiter de ses biens, aura pris la place de la defunte.

Quand les filles ont perdu leur mere avant que de se marier, c’est ordinairement la plus proche parente qui prend le soin de leur mariage. Quelquefois les meres accordent leurs enfans à l’âge de deux ou trois ans ; il y a méme des meres qui pendant leur grossesse conviennent ensemble de marier les enfans qu’elles portent, supposé que l’un soit garçon et l’autre fille ; c’est la plus grande marque d’amitié que les honnêtes gens se puissent donner. On les accorde dés qu’ils sont néz, et depuis les accordailles jusques à la consommation du mariage, le garçon envoye tous les ans, le jour de Pasques, un habit à sa maîtresse. Je ne parle pas des festins ni des réjoüissances de la nôce ; la fête dure trois jours, et les hommes ne sont point mêlez avec les femmes. On dit qu’on boit beaucoup de part et d’autre ; ces bonnes dames se dévoilent entre elles, disent de bons mots, et surtout n’épargnent pas les liqueurs.

Les Armeniens ne font pas beaucoup de céremonies