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moudre quelques moulins et porté la fertilité dans plusieurs campagnes partagées en fruitiers et en potagers. C’est de là que viennent ces excellentes poires que l’on vend à Constantinople, sous le nom de Poires d’Angora ; mais elles sont fort tardives et nous n’eûmes par le plaisir d’en gouter. Tout ce quartier est sec et pelé, excepté les fruitiers. Les Chevres n’y broutent que des brins d’herbes, et c’est peut-être, comme remarque Busbeque, ce qui contribuë à conserver la beauté de leur toison, qui se perd quand elles changent de climat et de pâturage. Les Bergers de Beibazar et d’Angora les peignent souvent, et les lavent dans les ruisseaux. Ce pays me fait souvenir de la Terre sans bois, dont parle Tite-Live, laquelle ne devoit pas être éloignée de Beibazar, puisque le fleuve Sangaris y rouloit ses eaux ; on n’y brûloit que de la bouze de vache, comme l’on fait en plusieurs endroits de l’Asie.

Nous partîmes de Beibazar le 6 Novembre sur les neuf heures du matin, et nous retirâmes vers les quatre heures du soir dans un vieux bâtiment abbandonné et sans couvert ; cependant la campagne est belle et bien cultivée, quoique relevée de buttes assez escarpées. On y passe la riviere d’Aiala dans un gué profond, ses eaux inondent les terres quand on veut, mais c’est pour y élever de tres-bon ris. Elle va se jetter dans la mer Noire, et nous avions déja campé à son emboucheûre en allant à Trebisonde.

On monta à cheval sur les six heures du matin pour arriver le 7 Novembre à une heure et demi, proche le village de Kahé, dans un Kan sans banquette, ou pour mieux dire, dans une grande escuirie. La campagne commence à s’élever en montagnes couvertes de Pins et de Chênes que l’on ne coupe jamais, et qui neanmoins ne sont gueres plus hauts que nos taillis, tant le terres y sont